Salut à tous.
Récemment, j'ai lu La nuit a dévoré le monde de Pit Agarmen (pseudonyme de l'auteur Martin Page). Le topo en soi est une bonne idée : nous suivons la réaction d'un parisien qui, après une soirée éméchée, fait face à une invasion de zombie dans le monde entier, rien que ça!
Du haut d'un appartement du quartier de Montmartre, il joue à Robinson en survivant pendant des mois face à une marée toujours plus imposante de morts-vivants. Le roman est écrit simplement, il se lit en une heure, et possède un ton particulier. Le héros que nous suivons est asocial et acerbe. Pratique quand des zombies envahissent le monde car son égocentrisme le pousse à rester retranché et à sauver sa peau plutôt que sortir retrouver des proches. Agréable à lire et assez novateur, on apprécie le cadre de l’action et les réflexions du narrateur sur sa condition de survivant en proie aux affres de la solitude, remettant en cause sa place dans une société moribonde voir complétement morte vivante. A emprunter à la bibliothèque du coin plutôt que de dépenser quelques 18 euros pour l'avoir chez soi car les réflexions au prime abord intéressantes deviennent redondantes, offrant un sentiment de trop peu et de facilité dans l'autopsie du mental de ce survivant. Préférons acheter le Guide de survie en territoire zombie par Max Brooks, beaucoup plus pratique pour qui se sent l’âme plus guerrière que le héros de La nuit a dévoré le monde.
Quoiqu'il en soit, le roman de Pit Agarmen a donné à la zombie addict qui est en moi l'envie d'écrire un papier rapide sur ce que serait ma découverte d'une invasion de zombies dans ma vie de tous les jours. J'ai fais très court et peut être poursuivrais-je pour me donner le plaisir de décrire des zombies bien gores ou de nous mettre face à des choix cornéliens. En attendant, le résultat de cette introduction plus bas. Si l'envie vous en dit, je vous propose de poster sur votre blog ou dans les commentaires (si c'est possible, pas testé) votre version d'un cataclysme zombiesque en prenant soin de le replacer dans votre environnement de tous les jours. J'ai choisi de l'écrire à la première personne, au présent, mais toutes narrations et figures de style sont les bienvenues et il sera amusant (peut être seulement pour moi mais passons... On se marre comme on peut) de voir les différentes versions. Avant chaque petite amorce, précisons où cela se passe. A vos plumes mes ptits zombies!
Impasse Francis Jammes, à Albi.
"J'ai jamais aimé les
dimanches. Un jour bâtard pour se préparer à la semaine qui
débutera le lendemain. Trêve d'hypocrisie, la semaine commence bien
le dimanche à 14h. A partir de ce moment, notre corps et notre
esprit sont en attente et se positionnent dans les starting-block du
lundi. Une journée qui ne sert à rien si ce n'est tenter par tous
les moyens d'oublier que, demain, ça recommence.
Ce matin, mes yeux se
sont ouverts comme d'habitude sur les 8h30 tapantes. Même sans
boulot, même le dimanche, j'arrive pas à dormir longtemps dans la
matinée. De toutes manières, si je l'avais voulu, ça aurait été
plutôt mal barré car les petits voisins du n°8 ont choisi ce jour là de
jouer à chat juste à coté de ma chambre. Pétarade de cris
stridents et de pleurs entrecoupés de poussées vocales de dame la
mère. Rien de bien inhabituel. On s'y fait.
Bruits dominical du café,
des tartines qui craquent, des deux chats qui chahutent dans la
maison, des freins de voitures qui crissent au lointain. Dehors le ciel joue les annonciateurs des mauvais jours en
vomissant un flot ininterrompu d'eau. Pas étonnant que les félins
locaux restent au chaud. Dès qu'on leur ouvre la porte ils se
mettent à cracher et rentrent en courant se cacher sous la couette.
Un peu comme moi quoi. Plongée dans un livre, la matinée passe, la
télé en panne depuis quelques jours refuse de me livrer des
programmes lobotomisant. Tant pis.
L'homme qui partage ma
vie, notre maison, mes nos chats, se lève enfin. La marmotte qui
sommeille en lui lui impose une certaine dictature de la langueur
matinale. J'aime. Ceci dit tout ce qui peut se rattacher à lui, je
l'aime. Le moins qu'on puisse dire quand on vole sur le dos
grassouillet de l'angelot débile, c'est qu'on perd pas mal
d'objectivité. Je m'en fous.
Le calme est revenu à
coté. Tant mieux.
En regardant par la
fenêtre du premier étage, je vois la petite vieille du n°6 qui
déambule dans l'impasse arborée, chapeau bas, comme à son
habitude. Elle a un petit air James Bond, à faire semblant de se
balader pour nous surveiller. Les chats du quartier déguerpissent à
toute allure à son approche. Tiens donc. Collée à la fenêtre, une
tasse de thé réconfortante à la main, je m'aperçois que la
vieille agrippe quelque chose avec sa main gauche. Des fils de laine.
Manquait plus que le n°6 déménage à zinzin ville. Je le fais
remarquer à C.. Il me rejoint et plisse les yeux pour voir ce
qu'elle tient. On est myopes tous les deux et donc pas les meilleurs
candidats aux commérages dans les petits quartiers. Réflexion du
jour : acheter des jumelles. Le chat dans les bras de C. crache et
lui laboure le bras de ses griffes pour s'enfuir de la pièce. Ils
ont quoi ces bestioles ce matin? Je prend un mouchoir sur la table
basse et lui appose sur son bras sanguinolent. Il ne réagit pas,
garde les yeux fixés sur la rue. Je suis son regard et découvre la
vieille tournée vers nous. Du sang coule le long des fils de laine.
Les fils de laine sont bruns. Les fils de laine sont organiques. De
la chair offre une base aux fils de laine. Avant de nous concerter du
regard, l'indienne lève les yeux vers nous. Ses lèvres retroussées
laissent apparaître des dents reconverties en aiguilles à tricoter
pour fils de laines humains. Dans la petite cour du n°8 qui jouxte notre maison, une femme scalpée sort péniblement de chez elle, la moitié du visage en moins, le pas trainant, la mine confite au jus carmin. Je saisis la main de C.. Il la sert. Peu
à peu, nous reculons de la fenêtre ouvrant sur la scène
d'horreur et nous nous asseyons sur le canapé, en mode automatique.
J'allume l'écran de la tv, obstinément sombre malgré tout. Les chats nous
rejoignent, semblent se terrer à nos cotés.
Quotidien d'un dimanche
matin annonciateur d'une journée de merde."